Légendes

Les gardiens de la mémoire

Les falaises qui dominent Moumu sont trouées de grottes et d’abris, tandis que certaines zones du plateau et des environs du village de Moumu possèdent des cavernes souterraines. La dissolution du calcaire a multiplié ces grottes. Certaines ne sont accessibles qu’en bateau.  D’autres, sous le niveau marin, n’ont jamais été visitées. Toutes alimentent les légendes et renforcent le caractère mystérieux de Makatea. Au tout début de l’histoire de cette île, il y avait 12 souches de famille. C’est remonter loin dans la généalogie, puisqu’aujourd’hui, 82 000 descendants sont recensés. Dans cette période pré-européene, il semblerait que chaque famille se choisissait une grotte pour entreposer ses défunts. Ce choix était lié à l’identité de la terre sur laquelle se trouvait cette partie de la falaise.

Par exemple, un marae familial à proximité d’une grotte donnait une certaine légitimité à la famille pour s’approprier l’endroit. Seule la famille concernée pouvait y entreposer ses morts ; si d’autres s’avisaient d’y placer un défunt, le corps dans son réceptacle était poussé au ras de la falaise, prêt à tomber dans le vide. La cérémonie familiale se passait au pied de la falaise, puis la famille s’en allait. Les « pirimatos » se chargeaient ensuite de placer le corps dans la grotte.  Leur méthode est toujours discutée : montaient-ils le corps de la plage à la grotte, ou bien le descendaient-ils depuis le haut de la falaise à l’aide de cordages ?

Les légendes racontent que ces êtres étaient capables de voler jusqu’aux endroits les plus inaccessibles. Le phénomène des grottes mortuaires de Makatea a été un sujet tabou pendant longtemps, car selon les habitants de l’île, l’esprit des ancêtres ne devait pas être profané.  C’est pourquoi il est culturellement important et respectueux de demander l’avis de l’île pour intervenir sur ses terres, et d’attendre sa réponse.

Le refuge des guerriers

La grotte « Ana Taui Ra’i » se trouve sur la plaine côtière de Temao, à gauche de la darse actuelle lorsque l’on est dos à la mer. Elle est aussi appelée « grotte de la mort » car elle était utilisée dans les temps passés comme forteresse lors des guerres avec les habitants de Anaa. Les guerriers de Anaa, dont la dextérité au javelot perdure aujourd’hui encore dans les Heiva, étaient redoutables. Les guerriers de Makatea étaient inférieurs en nombre et en adresse. Cette grotte constituait un abri sûr, mais également une excellente place forte, en hauteur, qui permettait de voir arriver l’ennemi de loin et de le repousser. La grotte elle-même était constituée par une caverne juchée à plus de 100 pieds de hauteur dans le flanc de la falaise. Son accès était fort difficile. Elle ressemble à une cathédrale dont les stalactites et les stalagmites forment des arches.

Le roi Uirarii, Te arii Matatini et son chemin de dos

Le roi Uirarii, Te arii Matatini a été choisi par Pomare, alors roi de TAHITI, pour représenter la tutelle à MAKATEA à Tahiti et aux îles du vent.  Ce roi habitait dans le « Tuhaa hoe » sur un site appelé « Tiara’a nui i te tu iritea ». Il réunissait son conseil sur le site appelé « table ronde » car le feo y était lisse.  Il envoyait alors deux hommes pour réunir les cinq quartiers de la population, dont le Va’o. Il se rendait ensuite sur la plaine littorale de Moumu utilisée pour les discours. Ce lieu s’appelait « Tutu orero ».  Pour se rendre sur cette place, il ne devait pas fouler le sol qui ne lui appartenait pas ; il se déplaçait donc en marchant sur le dos de ses serviteurs, qui s’allongeaient le long de sa route de manière à lui offrir leur dos.

Aeanua no Maatea

Il y a bIen longtemps, le Roi de tahiti Pomare II avait envoyé plusieurs navigateurs sillonner les mers de l’Océanie à la recherches d’îles nouvelles. Quelques uns de ces navigateurs, appelés aitos (signifiant chefs ou héros), avaient découverts plusieurs îles de l’archipel Tuamotu, dont l’île de Mataiva, peuplée d’une race bronzée de très forte corpulence.

Les aitos du roi avaient essayé de débarquer sur cette île à plusieurs reprises, mais ils avaient été repoussés chaque fois par les indigènes, commandés par neufs aitos, dont la valeur guerrière ne laissait supposer aucun doute. Le roi, qui voulait s’emparer de Mataiva, désigna le nommé « Tu » comme chef d’une expédition envoyée sur cette île.

« Tu » était l’homme de confiance du roi. Il était un grand aito, renommé par son courage, sa bravoure et son audace. Il était en même temps un grand navigateur et un grand guerrier. C’est ainsi que « Tu » partit de Tahiti à destination de Mataiva, avec sa petite armée embarquée sur des pirogues à rames.

Après plusieurs jours de navigation, un beau matin, la flottille se trouva en présence d’un immense corail, paraissant avoir récemment jailli du fond de la mer. Tu et ses guerriers furent émerveillés par la beauté du spectacle qu’y s’offrait à leurs yeux. En effet, ils avaient devant eux une île basse d’assez grande dimension, recouverte de corail reflétant des lumières aux multiples couleurs. Ils longèrent la côte sur quelques kilomètres et purent de ce fait se rendre compte que cette île merveilleuse était inhabitée. Ils la baptisèrent Maatea qui signifie lumière née de la mer.
Tu était tenté d’accoster pour explorer cette merveille mais se rappelant soudain la mission confiée par le roi, il continua sa route car son temps était limité. Il comptait en effet arriver à Mataiva à la faveur de la nuit pour surprendre les aitos qui la défendaient. Ce fut avec l’espoir de revenir à Maatea que Tu poursuivit sa mission.

Le lendemain soir, à la tombée de la nuit, il arriva à quelques lieux des côtes de Mataiva. Après avoir donné les ordres à ses guerriers, il s’approcha de l’île, mais au moment où il se préparait à accoster, il vit briller neuf lumières sur différents points de la côte. Tu comprit aussitôt que les neufs aitos faisaient exercer une surveillance permanente et, se sentant impuissant devant ce peuple qu’il ne connaissait pas mais qu’il redoutait, n’eut pas le courage d’engager le combat et fit demi-tour.

De retour à Tahiti, Tu se rendit auprès du roi Pomare II auquel il fit le récit de son voyage. Il lui fit part de sa découverte, mais aussi de l’échec de la mission qui lui avait été confiée. Le roi fut très fâché que cette expédition sur laquelle il avait tant compté n’ait pas réussi.
Il adressa un blâme à Tu et pour le punir, il lui refusa l’autorisation de retourner à l’île de Maatea. Tu se résigna à ne plus revoir cette île qui l’avait tant impressionné par sa beauté. Avant de mourir, il fit part de sa découverte à son fils Tu Tamaiti appelé aussi Tuanaaroa qui devait lui succéder.

Quelques années plus tard, le roi Pomare II mourut à son tour sans avoir envoyé aucune autre expédition reconnaître «la lumière née de la mer». Tuanaaroa devenu un grand aito comme son père, demanda au nouveau roi Pomare III régnant à l’époque sur Tahiti, l’autorisation d’aller reconnaître « l’île au corail » découverte par son père. le roi ayant accepté, Tuanaaroa, pris quelques hommes dans sa pirogue et se dirigea vers Maatea.

Lorsque Tuanaaroa découvrit à son tour l’île, il crut s’être trompé. Maatea avait complètement changé d’aspect. Au lieu de trouver une île basse, recouverte de corail, il avait devant lui une île haute, recouverte d’une grande végétation, dont des falaises de 45 à 80 mètres surplombaient la mer tout le long de la côte. Tuanaaroa s’approcha avec sa pirogue le plus près possible des falaises, et dès qu’il ne fut qu’à quelques brasses, il se jeta à l’eau et aborda l’île à la nage. Ne voyant personne aux environs, il chercha un emplacement propice pour faire accoster sa pirogue, et fit signe à ses marins de venir. Ceux-ci accostèrent à l’endroit indiqué par leur chef qu’ils appelèrent Vaiau, et après avoir débarqué à leur tour, ils retirèrent la pirogue de l’eau et la hissèrent sur un rocher, appelé depuis cette date Aeanua, signifiant « à la mémoire des navigateurs venus de loin ».